Résumé
Dans les années 1980, le Plateau des Rochelois faisait face à une grave pénurie d’eau : malgré des pluies abondantes, l’infiltration dans le sous-sol calcaire obligeait femmes et enfants à consacrer plusieurs heures par jour à la collecte de faibles quantités d’eau. Cette contrainte freinait la production agricole, l’hygiène et la santé. Trois solutions furent envisagées : retenues collinaires, citernes collectives et citernes individuelles. Après analyse, le projet privilégia les citernes individuelles, plus adaptées, tandis que les citernes collectives restaient limitées à des usages non domestiques.
Le programme a reposé sur un partage clair des responsabilités : le projet fournissait ciment, fers, tuyaux, tôles et maçons, tandis que les paysans assuraient la fouille, le sable, la fabrication des blocs et une cinquantaine de jours de travail. Rapidement, il apparut nécessaire de renforcer la densité des citernes pour éviter conflits d’usage et garantir des volumes suffisants. Le système de gestion des matériaux, la formation d’une trentaine de maçons et la supervision régulière furent déterminants pour la qualité et la durabilité des ouvrages.
Dans une deuxième partie, Frino Saint-Jean décrit les techniques de construction de ces citernes et présente quelques alternatives :
Différents modèles furent testés : citernes rectangulaires semi-enterrées de 8 à 12 m³, citernes rondes en ferrociment (moins coûteuses et plus rapides à construire), citernes moulées en béton armé, et jarres en fibrociment pour de petits volumes. L’évolution du programme conduisit à réduire la taille des citernes (8 m³), plus accessibles aux paysans, et à multiplier leur nombre.
Au-delà de l’accès domestique, la valorisation productive de l’eau stockée devint un axe fort : maraîchage, élevage laitier, crédit et boutiques d’intrants. Plus d’un millier d’agriculteurs purent diversifier leurs revenus grâce à ces infrastructures.
L’expérience a montré que la construction de citernes est une œuvre de longue haleine, nécessitant un accompagnement technique, organisationnel et social durable, mais qu’elle constitue une réponse efficace aux contraintes structurelles d’accès à l’eau en Haïti.
Pourquoi le lire ?
Ce texte retrace une expérience pionnière de gestion de l’eau en Haïti à travers la construction de citernes, impluviums et réservoirs. Il montre comment une innovation technique adaptée – les citernes individuelles – a transformé le quotidien des familles rurales en réduisant la corvée d’eau et en ouvrant la voie à des usages productifs (maraîchage, élevage, diversification des revenus). L’intérêt du document réside autant dans la description détaillée des techniques de construction que dans l’analyse du dispositif de projet : partage des responsabilités avec les paysans, formation de maçons, organisation de l’approvisionnement et suivi rigoureux des chantiers. Il offre ainsi un double enseignement : la réussite d’une innovation technique simple et durable, et l’importance d’un cadre organisationnel solide pour garantir sa diffusion et sa pérennité.