Résumé

Les activités du projet Madian Salagnac se sont déroulées de 1973 à 2000, soit pendant 27 années consécutives. Dès son commencement ce programme a été conçu comme un projet de développement intégré s’inspirant de l’approche du développement communautaire chrétien (DCC), expérimentée depuis 1965 dans la paroisse de Laborde près des Cayes.

Madian-Salagnac a commencé à former dans les années 1970 des animateurs polyvalents destinés à vulgariser des techniques agricoles dans les zones rurales du sud d’Haïti. L’expérience ayant démontré les limites de cette approche descendante, les agronomes du projet s’adressèrent à des groupes d’agriculteurs qualifiés de « personnages » ou « citoyens », en établissant d’autres rapports pédagogiques s’appuyant sur l’observation des pratiques des agriculteurs et la discussion avec ceux-ci de leurs stratégies. Ces démarches de dialogue furent renforcées par les travaux de vidéocommunication de Gerald Belkin, qui donna aux agriculteurs l’occasion de s’exprimer sans intermédiaire sur leur vie. Simultanément, le Centre de Salagnac forma à l’étude du milieu, de nombreuses générations d’étudiants de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire

D’autre part, de nombreuses actions de recherche-formation ont été réalisées avec l’appui d’institutions de recherche et de formation universitaire ; elles ont mis en évidence les contraintes des agriculteurs et leur absence de disponibilités financières. Le Centre de Salagnac initia sur le Plateau des Rochelois à partir de 1980 un projet de construction de 200 citernes familiales et d’impluviums collectifs. Ces investissements et leurs modalités de réalisation ont généré de nombreuses améliorations sociales et le développement de nouvelles cultures maraîchères et vivrières.

L’article s’intéresse aux formations organisées par ce centre (pour les paysans et pour les étudiants), à la production de films par Gerald Belkin (Paysans, silences à voix basse) et au  programme de petite hydraulique (construction de citernes individuelles et d’impluviums collectifs).

Mais en dépit de résultats remarquables, l’impact de ce programme sur les nombreux projets de développement mis en place en Haïti est resté assez limité. S’il y eut à Madian-Salagnac une importante pratique du terrain, une théorie de « la pratique du praticien » ne fut pas construite. Une telle théorie aurait permis à la pratique développée dans ce centre de mieux résister à la concurrence avec les « arts de faire » mis en œuvre dans les grands projets de développement ou d’aménagement des bassins versants et de les faire évoluer. L’intérêt d’une recherche sur « la pratique de l’intervention » et sur les cultures professionnelles des praticiens a parfois été évoqué, ces aspects sont étudiés actuellement, en s’appuyant sur les actions de SOS-ESF à Gros Morne depuis 2006 et à Salagnac depuis 2011.

Pourquoi lire ?

Une analyse approfondie d’un projet innovant de développement rural en Haïti, qui met en lumière les enjeux de l’apprentissage mutuel, du rôle central des paysans dans l’innovation agricole et des solutions adaptées aux réalités locales. Ce document éclaire les réussites et les limites d’un projet à la fois ambitieux et discret, dont les enseignements restent d’une grande actualité : comment valoriser les savoirs paysans ? Comment faire évoluer les pratiques d’intervention ? Une lecture essentielle pour quiconque s’intéresse au développement rural, à l’histoire des pratiques agronomiques et à l’innovation sociale.